Acharnement et barbarie
Acharnement et barbarie
Tir de précision
Il y a près de deux ans, dans un coin perdu de la Nouvelle-Écosse, j'ai découvert une activité surprenante et ma foi fort agréable; le tir au pigeons d'argile.
Agréable parce qu'elle se déroule en pleine nature, face à de vastes étendues sauvages (face au parking ou au chalet, c'est un soupçon plus cher et passablement moins sécuritaire, dit-on), et parce qu'elle implique une forme de concentration relâchée qui permet de faire le vide.
Surprenante parce que paisible et reposante, malgré le maniement continu d'armes à feu de fort calibre, et malgré les difficultés techniques qui me rendaient, je dois l'avouer, bien peu menaçant pour les pigeons, fussent-ils d'argile.
Mais qu'est-ce qu'on en a à fichtre? (Ben ouais, « fichtre », comme les Frônçais!)
On en a à fichtre que si j'ai toutes les misères du monde à ne serait-ce qu'érafler un pigeon à la trajectoire prévisible avec une large volée de plombs conçus expressément à cet effet, les pigeons, eux, n'éprouvent semble-t-il aucune difficulté à loger à la volée leur chauds et bactériologiques projectiles directement dans mon encolure!!!
Sur la tête, c'était déjà pas mal, mais dans (je répète: dans!) le t-shirt, avant-hier, ça m'a quand même un peu surpris. Mon expression faciale a d'ailleurs dû s'apparenter à celle du baigneur - ou du conférencier, c'est selon™ - qui réalise que cette flatulence qu'il chapelette en douce n'en est en fait pas une...
Et que dire de cette photo, affichée depuis une semaine sur les abribus parisiens? Réalité parisienne partagée par la masse, ou acharnement psychologique concerté sur ma personne?
Les Barbares!
Le sommeil est pour moi comme une plongée en eaux profondes, une immersion dans un univers lointain, sombre, lent, immobile, irréel. C'est un changement d'élément, d'atmosphère, de pression.
Le réveil est, en conséquence, comme la remontée d'un plongeur; il s'agit d'un exercice périlleux où le respect des paliers de décompression est une question de vie ou de mort et où la transgression des paliers en question entraîne nausées, étourdissements, hallucinations et mauvaise humeur barbare, au mieux.
Un récent matin, alors que je flottais entre deux paliers, je me suis retrouvé au coeur d'un univers sombre, fantastique et vaguement angoissant. Était-ce La cité des enfants perdus de Jean-Pierre Jeunet? Était-ce rêve ou réalité?
J'ai ouvert un oeil, puis l'ai refermé. Le rêve et sa trame sonore à l'orgue de Barbarie emplissaient ma chambre, ma tête, mon univers, lancinants et persistants. J'ai finalement titubé jusqu'à la fenêtre, confus. Et j'ai compris. Quelle barbarie! :)
J'ai beau réfléchir, je ne vois pas dans quelle ville du monde, hormis Paris, on pourrait retrouver telle scène. Sainte-Foy? Brossard? Val-Bélair? :)
jeudi 20 juin 2002