Jean Baudet, fils de Sébastien Baudet et de Marie Beaudonnier, est né en 1650 à Blanzay, petite commune du département de la Vienne, dans le Poitou, en France.


Au printemps de l'année 1664, agé de quatorze ans, il quitte La Rochelle avec une cinquantaine de personnes, dont plusieurs jeunes gens engagés comme lui pour travailler en Nouvelle-France. Jean et ses compagnons font la traversée sur un petit navire de cent tonneaux appelé Le Noir, sous la gouverne du capitaine Pierre de Filly, de Dieppe. Jeanne Mance, fondatrice de l'Hôtel-Dieu de Montréal au début de la colonie, fait aussi partie du voyage.


Le 25 mai 1664, après une dure et longue traversée, les passagers arrivent enfin à Québec.


Jean Baudet s'établit comme domestique engagé chez Nicolas Gaudry, habitant de la côte Saint-Michel, en banlieue de Québec. (La terre de Nicolas Gaudry commençait à l'endroit même où se trouve aujourd'hui l'entrée du cimetière Belmont, à Sainte-Foy.)


Le 23 septembre 1670, après avoir passé six ans sur le continent, Jean épouse, à l'église Notre-Dame de Québec, mademoiselle Marie Grandin, fille de Michel Grandin et de Marie Lejeune. La jeune française, orpheline de père et arrivée au pays depuis peu, est née à Sainte-Euverte, paroisse de la ville d'Orléans.


Celle que Jean prend pour épouse est Fille du Roy : pour permettre aux célibataires de ce pays d'y fonder un foyer, le roi de France, Louis XIV, par le trésor royal, contribue aux frais de voyage et à une partie du coût d'établissement en Nouvelle-France d'immigrantes recrutées dans la mère patrie.


Le 4 septembre 1672, Jean Beaudet signe un bail d'une durée de 6 ans avec Noël Ringuet fils. Il obtient en location, côte Saint-Michel, une terre de deux arpents de front sur 30 arpents de profondeur. Environ dix de ces arpents sont labourés, et s'y trouvent aussi une maison habitable, une grange et une étable. Cette ferme serait située, aujourd'hui, entre le chemin des Quatre-Bourgeois et la rue La Frenière, à Sainte-Foy.


Cinq ans plus tard, le 30 octobre 1677, l'Ancêtre signe une entente avec le Seigneur Louis Chartier de Lotbinière :


« En presence du notaire Gilles Rageot, René-Louis Chartier, écuyer sieur de Lotbinière, reconnaît avoir loué à compter d'aujourd'hui et pour deux ans, à Jean Baudet, habitant de ce pays et demeurant à la côte Saint-Michel et présent à ce contrat, la terre réservée pour le manoir seigneurial de Lotbinière. Cette terre est située sur le bord du fleuve Saint-Laurent.


Le Seigneur de Lotbinière se réserve les droits seigneuriaux sur cette propriété. Jean Baudet pourra en jouïr comme si elle lui appartenait et devra s'en occuper en bon père de famille [...] »


Deux années s'écoulent. Le 26 juillet 1679, Jean renouvelle son contrat avec le Seigneur de Lotbinière :


« René-Louis Chartier reconnaît, qu'il a loué pour trois ans à Jean Baudet, le manoir principal de la terre et Seigneurie de Lotbinière, ainsi que tous les bâtiments qui en dependent, a l'exception d'une chambre dans le manoir. [...] Le Seigneur lui loue également deux vaches, deux boeufs de labours, un jeune taureau et quatre petits cochons [...] »


Selon l'historien Raymond Douville, il est plausible de croire que le manoir dont il est question a été bâti par Jean Baudet au cours de ses deux premières années de bail, comme il est aussi probable que c'est cette demeure qu'il occupait avec sa famille.


Le 2 mars 1680, Jean obtient du Seigneur sa propre concession, de dix arpents par trente, aux abords du Saint-Laurent. En contrepartie, il devra verser au Seigneur, en guise de taxe foncière, la somme de trente francs et un denier annuellement. Cette somme pourra être versée comme suit :


« [...] la valeur de six francs au moyen de six bonnes poules et les vingt-quatre autres francs en grain provenant de sa terre dont la qualité sera à la discrétion du sieur de Lotbinière. »


En plus d'etre colonisateur, défricheur, bâtisseur et fermier, Jean fait également commerce d'anguilles. Il a débuté cette pêche dès son arrivée à Lotbinière, mais à compter de 1681, il en fait un véritable commerce. C'est ainsi que nous le trouvons cette année-là à Ville-Marie, pour vendre à Jean Milot, marchand, vingt barriques d'anguilles. Pendant plus de vingt ans, il passera des contrats de ce genre.


Comme l'Ancêtre doit aussi s'occuper de la livraison, il s'entend plus tard avec Michel Boucher pour le transport de sa marchandise :


« Le 10 mai 1689, Michel Boucher de Lauzon s'engage à transporter de Lotbinière à Montréal quanrante-cinq barriques d'anguilles, qu'il prend à la demeure de Jean Baudet. Ce marché se fait à raison de dix-huit livres par tonneau que Jean a promis de payer. »


On parle ici de quarante-cinq barriques, à raison d'environ 500 anguilles par barrique. Ce poisson abonde heureusement dans la région. Les mémoires de la Société généalogique canadienne-française fournissent quelques informations à ce sujet :


« La pêche a l'anguille se pratiquait surtout depuis Québec, jusqu'à Trois-Rivières. Il n'y avait pas d'endroit plus favorable que Sainte-Croix, le Platon et Lotbinière. On en prenait dans une seule marée jusqu'à trois mille. L'anguille fut une ressource importante pour l'alimentation des premiers Canadiens. »


La famille de l'Ancêtre est très occupée en septembre et en octobre, car c'est la seule saison pour cette pêche. Jean et ses fils doivent faire la cueillette, et toute la famille se prête ensuite à la salaison.


À son arrivée a Lotbinière, la famille ne comptait que trois enfants en bas âge. Ils sont maintenant au nombre de dix : Marie, Simone, Jean-Charles, Louise, Jeanne-Francoise, Jean-Baptiste, Marie-Josephe, Michel, Jacques et Marie-Madeleine.


Les garçons s'établissent tous à Lotbinière, tandis que les filles, après leur mariage, quitteront le village pour Saint-Antoine, Cap-Santé, Saint-Nicolas et Sainte-Croix.


En 1708, Jean obtient une autre concession du Seigneur de Lotbinière: elle est située a l'ouest du village, couvrant à peu près les lots 101 à 124 du cadastre actuel de Lotbinière. Cette terre compte quinze arpents de front, le long du fleuve, par trente de profondeur. En achetant cette concession, l'Ancêtre songe à l'installation de ses fils, une seule terre étant insuffisante pour ses quatre garçons.


Le couple Baudet-Grandin avance en âge. Le 25 mars 1714, Jean vend à son fils Michel une partie de sa deuxième concession, soient cinq arpents de front par trente de profondeur. Le reste de cette concession reviendra à Jean-Baptiste et à Jacques : ils auront chacun cinq arpents.


Ce contrat du 25 mars 1714 est le dernier que nous ayons de l'Ancêtre. Quatre mois plus tard, le 13 juillet 1714, Marie Grandin, alors veuve de Jean Baudet, se présente devant le notaire pour la lecture de l'inventaire des biens de son époux. Aucun document ne nous indique toutefois la date exacte du décès de ce dernier.


Le 25 fevrier 1715, Marie cède à son fils Jean-Charles la concession obtenue en 1680. En retour, il doit prendre soin de sa mère en lui fournissant logis et nourriture. Il s'engage de plus à lui fournir annuellement une jupe de carisse, une brassière d'étoffe, deux mouchoirs et une paire de bas, et tous les trois ans, une paire de souliers français. Après son décès, il fera dire dix messes pour le repos de son âme.


Le 14 juillet 1715, un an presque jour pour jour après la lecture de l'inventaire de Jean Baudet, Marie Grandin s'éteint à l'Hôtel-Dieu de Québec.


Mais les descendants Beaudet se multiplieront nombreux tant au Canada qu'aux États-Unis...

L'ancêtre des Beaudet d'Amérique : Jean Baudet

Texte de Ian Beaudet, d'après les textes et travaux de Gérard

Beaudet, archiviste de l'Association des Familles Beaudet